Le pouvoir des silencieux...
- Anne Laure Joalland

- 27 mars
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 mars
Petite fille, je n'étais pas celle qui prenait spontanément la parole, j'étais celle qui observait, prenait un long moment de réflexion avant de prendre la parole, la voix chevrotante, le cœur haletant, les mains moites et le rouge aux joues...

J'étais à demi-admirative, à demi-envieuse de ceux qui prenaient la parole avec aisance, avaient toujours un avis sur tous les sujets et répliquaient sans attendre...
J'aurais aimé être de ceux-ci...
Je suis intimement convaincue que notre nature profonde ne change pas.
Je ne serai jamais une de ces extraverties et c'est ainsi. Avec l'âge, j'ai appris à chérir mon introversion et à la sublimer.
Au fil des années, j'ai osé prendre la parole dans des univers qui m'étaient totalement étrangers, loin de mes repères d'origine.
Mes interlocuteurs ne percevaient visiblement pas mes tourments intérieurs lorsque je m'exprimais.
J'avais néanmoins remarqué que mes prises de parole laissaient place à un silence, à une autre atmosphère, qui m'intimidait également.
Sans le conscientiser explicitement, je percevais même qu'elles avaient un certain pouvoir car certains de mes professeurs au lycée me faisaient lire à voix haute pour instaurer un silence.
Au gré des expériences, mon auditoire s'est étoffé, ma voix est devenue plus assurée, mon aisance développée...
Aujourd'hui, je prends aisément la parole dans des podcasts, avec une parole entendue, bien au delà de ce que j'imaginais, impactante à de nombreux égards, suscitant aussi des jalousies auxquelles j'ai choisi de répondre en volant au-dessus...
Les mauvaises intentions se retournant toujours contre leurs auteurs...

J'ai même osé prendre la parole dans mon propre podcast Sens figuré. pour donner la parole à ceux qui n'ont pas le verbe haut, mais dont la parole rare vous élève vers le haut...
Au fil des années, je me suis même surprise à être choquée par les êtres qui prononçaient des mots devenant des phrases sans crier gare, ceux-là même que j'enviais jadis.
J'ai été saisie par cette extraversion invasive de la sensibilité de l'autre ou d'une réflexion interjetée trahissant un manque de recul sur les situations.
L'importance du regard des autres s'amenuisant avec l'âge, j'ai appris à chérir mes silences avant mes prises de paroles, car ses silences que j'offre à mon interlocuteur sont le parfait miroir de mon dialogue intérieur.
Les mots qui affleurent à mes lèvres sont le fruit d'un réflexion de l'incarnation que je souhaite donner au monde extérieur, de la considération que j'apporte à mon interlocuteur avant de lui parler, de ce que pressens ou connais de lui, de son histoire, de sa vie, de sa situation.
A la sortie de l'enregistrement d'un podcast, j'ai parfois le sentiment que ma parole a été confuse à certains égards car prononcée sous le joug de l'improvisation.
Lorsque je l'écoute, je marque toujours un temps d'étonnement car les phrases que j'ai prononcées sont une infime partie de mon dialogue intérieur. Je prends ainsi conscience de toutes les phases qui précèdent mes phrases...
Outre l'olfaction qui constitue le fil conducteur et le lien entre mes différents invités de Sens figuré., je perçois également dans leurs propos, l'importance accordée aux mots.
Ils expriment souvent leur malaise à l'égard des interjections prononcées tels des "euh" lorsqu'ils s'écoutent. A mes yeux, ces "euh" trahisant des silences gênés, traduisent au contraire une réflexion finement ciselée, la portée d'une parole plus rare mais aussi plus impactante...

A tous les introvertis, comme moi, chérissez vos silences, vos temps d'observation, avant de prendre la parole ou au contraire de choisir de ne prononcer mot...
Vos silences peuvent vous distinguer s'ils sont utilisés à juste mesure et non pour vous effacer...
Vous souhaitez en savoir plus ? Ecoutez l'éclairage de Laurence Joseph Psychologue clinicienne : Choisir le silence pour donner du poids aux mots
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